Les projets ex situ de Humanum Est relèvent de ce que R. Murray Schafer appelle la schizophonie, c’est-à-dire la scission entre la production et l’écoute du son que rendent possible les outils électroacoustiques. Ils proposent des situations d’écoute qui se caractérisent par :
1. un rapport au temps fondé sur l’asynchronisme. Dans ce cadre, le son est fixé sur un support avant d’être diffusé dans un casque ou sur des haut-parleurs. La durée qui sépare ces deux opérations peut être de quelques heures comme elle peut être de plusieurs années – ce qui permet, par exemple, de donner à entendre ce qui a disparu (une personne décédée, une espèce éteinte, etc.).
2. un rapport à l’espace fondé sur la distance ou, si on préfère, le distanciel. La plupart du temps, le lieu de l’enregistrement est différent du lieu de la diffusion. Il est ainsi possible d’écouter dans la rue un solo de flûte capté en studio ou, à l’inverse, d’écouter dans sa chambre l’ambiance d’une forêt tropicale.
Ils s’inscrivent dans plusieurs domaines.
a. La création radiophonique
Cette expression recouvre une grande diversité de formats, du hörspiel au podcast, qui ont en commun de formuler des récits en combinant différentes sources sonores (voix, musique, bruitage, etc.). Les récits en question peuvent être des fictions ou des reportages, mais aussi des fresques plus poétiques et/ou plus abstraites.
Humanum Est met son expérience dans ce domaine au service d’associations ou d’institutions qui désiraient rendre compte d’un événement donné (atelier, formation, conférence, manifestation culturelle, etc.) d’une façon originale et dynamique.
Exemple : extrait de la pièce radiophonique Yesterday, consacrée au thème de la mémoire (Ludovic Fresse).
b. La musique concrète
La musique concrète, qu’appelle parfois acousmatique ou électroacoustique, a été fondée à la fin des années 1940 au sein de la RTF. Elle se définit par un emploi créatif des outils de production et de reproduction sonore, qu’ils soient analogiques ou numériques. Contrairement au compositeur classique, pour qui la notation précède l’exécution, le compositeur concret travaille à partir de sons fixés qu’il façonne à la manière d’un sculpteur en modifiant ses différents paramètres (durée, hauteur, volume, etc.).
Humanum Est développe une esthétique cinématographique où des sons de factures diverses s’entremêlent et s’entrecoupent comme dans un film – ou un dessin animé – pour l’oreille. L’héritage qu’il revendique va des collages dadaïstes d’un Frank Zappa à la musique anecdotique d’un Luc Ferrari.
Exemple : Prélude à l’après-midi d’un microphone, extrait de l’album Cabinet de curiosités (Ludovic Fresse).
c. La production en studio
Le terme de « production » s’applique ici à la musique populaire lorsque le studio d’enregistrement cesse d’être un simple lieu de captation pour devenir un instrument à part entière. Popularisée par les Beatles dans les années 1960 puis théorisée par Brian Eno dans les années 1970, cette démarche met les techniques de la musique concrète au service de chansons ou d’instrumentaux dont la « couleur » finit par être aussi importante que le rythme ou la mélodie.
Dans ce domaine, l’approche de Humanum Est repose sur les qualités sonores des traitements ou des arrangements, mais aussi sur leurs connotations culturelles, c’est-à-dire ce qui, en eux, évoque un style ou une époque en particulier. Le timbre d’un orgue électrique à bon marché peut ainsi donner à un morceau un lustre rétro-futuriste qu’il n’avait pas à l’origine.
Exemple : Jabberwocky, d’après un poème de Lewis Carroll (Clovis Ferdeus & les Francs-tireurs).